Fraude au compteur kilométrique : comment se protéger ?
Définition
La fraude au compteur kilométrique (ou fraude odomètrique) est une pratique consistant à trafiquer le nombre de kilomètres indiqués sur le tableau de bord d’un véhicule, sans que l’acquéreur de celui-ci n’en soit averti.
Il s’agit de modifier mécaniquement ou électroniquement le kilométrage indiqué sur le voyant dédié à cet effet, de façon à diminuer le nombre de kilomètres affichés par rapport aux kilomètres parcourus en réalité par le véhicule.
Cette pratique permet à des vendeurs peu scrupuleux d’augmenter artificiellement le prix d’une voiture et est difficilement détectable à l’œil nu. L’avantage de cette tromperie est de tirer une meilleure marge commerciale entre le prix d’achat d’un véhicule et celui auquel le fraudeur peut espérer vendre sa voiture.
Contexte Européen
Vous pensez que c’est en Allemagne que les compteurs sont le plus trafiqués ?
FAUX !
En France, en 2014, on estimait que cette falsification touchait près de 600 000 véhicules chaque année.
Le préjudice était alors évalué à 500 millions d’euros par an, contre 6 à 9 milliards estimés pour l’ensemble de l’Union Européenne.
Ce phénomène toucherait entre 5 et 12% des voitures d’occasion vendues chaque année à travers l’Europe.
A tel point que les députés Européens sont montés au créneau afin d’intensifier la lutte contre la fraude, dans le cadre d’une demande de révision du règlement lié au contrôle technique : La directive 2014/45/UE.
Cette requête parlementaire devrait trouver ses premiers effets courant 2018.
Partant de l’excellent bilan du système « CAR-PASS » mis en place en Belgique depuis 2006 et qui a permis d’enrayer considérablement cette pratique dans le pays, les députés souhaitent généraliser l’obligation de relever le kilométrage des véhicules au cours de leur passage au contrôle technique. Ils réclament également la création d’une base de données Européenne afin d’améliorer la cohérence des kilométrages, particulièrement dans le cadre des ventes entre Etats frontaliers.
+ d’infos sur http://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20180524IPR04221/fraude-au-compteur-kilometrique-les-deputes-souhaitent-une-nouvelle-legislation
Les bons élèves
Aux Pays-Bas, où les relevés kilométriques sont également bien plus encadrés et plus fréquents que la moyenne des Etats membres, la fraude au compteur a pratiquement disparu.
Quant à l’Allemagne, la manipulation des compteurs kilométriques y est interdite depuis 2005 et fait l’objet d’une législation sévère en la matière, comme le rappelle l’alinéa 22 b de la Loi sur la circulation routière. En effet, la fraude aux compteurs kilométriques est passible d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à un an (5 ans pour les récidivistes et les fraudes massives organisées) ainsi que d’une amende pouvant atteindre 38 000€.
D’une façon générale,
Même si un certain nombre de falsifications demeurent à ce jour, nos voisins les plus rigoureux en la matière sont l’Allemagne, la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas et le Danemark.
Les dernières enquêtes publiées en 2015, faisaient état de près de 50 % des voitures vendues sur le marché italien ayant fait l’objet de manipulations (Bellucci, 2015).
Le point de vue juridique
Baisser volontairement un compteur constitue bien évidemment une infraction puisque cela participe à une dépréciation de la valeur marchande du véhicule, donc une moins-value au détriment de l’acheteur.
Sachez que si un Français achète un produit auprès d’un professionnel établi dans un autre pays de l’Union Européenne, alors c’est le droit français qui s’applique (directive 2011/83).
Sur le plan pénal, en France, cette non-conformité frauduleuse est un délit de tromperie encadré par le Code de la Consommation (article L 213-1) qui prévoit des peines pouvant atteindre deux ans d’emprisonnement et/ou une amende de 37.500 euros, assortis de possibles dommages et intérêts.
Cet abus de confiance est considéré comme un défaut de conformité (voir garantie légale de conformité).
« La garantie légale de conformité est une garantie contre tous les défauts de conformité existant déjà à la date de livraison du produit ».
L’obligation de délivrance (article L211-4 du Code de la consommation) entre aussi en application dans ce type de litige car il vous protège en cas de différence entre le modèle commandé et celui livré (nombre de kilomètres, puissance du moteur, …).
ATTENTION !
La garantie de conformité ne s’applique pas aux ventes entre particuliers, par une autorité de justice (par un huissier) et dans le cadre d’enchères publiques.
Que faire si vous découvrez un vice de conformité ?
Comme dans tout litige, la première approche doit consister à tenter une démarche amiable.
Cela peut paraître étonnant, mais il est probable que le vendeur soit de bonne foi et qu’il ignorait lui-même ce vice de conformité. Il n’est pas impossible que celui-ci se soit fait avoir par son propre fournisseur ou qu’il ait manqué de vigilance lors de la reprise d’un véhicule auprès d’un particulier.
Et si la fraude avérée ?
Dans ce cas, il vous faudra déposer plainte contre le vendeur incriminé. Mais attention, la dénonciation d’un vice de conformité ne suffira pas à obtenir une sanction ou une réparation.
Si le vendeur refuse de coopérer à une démarche amiable, Il sera alors impératif de prouver la fraude supposée.
Tant que l’acheteur qui a subi le préjudice n’a pas apporté la preuve formelle et indiscutable d’un abus de confiance, tout reste à faire.
Comment obtenir les éléments nécessaires à démontrer une infraction ?
Prenez contact avec un expert indépendant qui se chargera d’inspecter et constater le nombre et l’importance des vices que présente le véhicule. Un démontage partiel de celui-ci peut être nécessaire et peut influer sur le montant de l’intervention.
Toutefois, sachez que seul un expert judiciaire est habilité à apporter une preuve irréfutable et recevable devant un tribunal.
Si la faute est avérée et que le vendeur est condamné, ce dernier devra prendre à sa charge tous les frais engagés par l’acquéreur trompé, notamment ceux de l’expertise et tout autre frais annexe, et sera même potentiellement passible de verser des dommages et intérêts à titre de réparation du préjudice subi.
Attention à ne pas intervenir sur le véhicule tant que l’action en justice n’a pas touché à sa fin. Cela pourrait perturber le déroulement de l’enquête et nuire à sa finalité.
Moralité : Mieux vaut prévenir que guérir !
La finalité d’un procès pour vice de conformité n’est jamais assurée.
De plus, les escrocs sont malins et ne se repèrent pas forcément au premier coup d’œil, cependant il y a quelques précautions qui permettent d’éviter des prises de risques inutiles :
- « Voiture pas chère » ne rime pas forcément avec « Bonne affaire » !
Certes, on peut trouver des prix vraiment compétitifs en cherchant bien à travers les millions d’offres disponibles en Europe mais il faut être raisonnable.
Exemple : Si vous voyez un véhicule dont le prix est 20% inférieur à l’annonce la moins chère d’Europe, méfiance, il y a de fortes chances pour que ce soit une arnaque ou une voiture accidentée.
De même, il vaut mieux choisir un kilométrage un peu supérieur à son objectif initial que de s’obstiner à viser un kilométrage qui ne permet pas de rentrer dans son budget.
Conseil : Evitez de sélectionner les 5 premières annonces les moins chères du monde. Naviguez plutôt en milieu de première page, en triant du moins cher au plus cher.
- Soyez vigilant
Si vous constatez des incohérences entre les dates de révisions, l’âge et le kilométrage du véhicule… fuyez !
Il vaut mieux manquer une bonne affaire et que d’en faire une mauvaise.
Si vous achetez en Belgique, demandez systématiquement à voir le Car-pass attestant du kilométrage de la voiture sélectionnée.
Si vous achetez une PORSCHE (boîte manuelle), alors demandez à vérifier le test PIWI du moteur qui vous permettra à la fois de contrôler la bonne utilisation du véhicule et aussi l’exactitude de son kilométrage.
Dans tous les cas, privilégiez les véhicules dont le carnet d’entretien est tamponné et les factures justificatives de révisions ou toute autre intervention sont disponibles.
- N’achetez qu’à des professionnels
Comme évoqué plus haut, en cas de vice de conformité avéré lors d’une vente entre particuliers, il vous sera difficile, voire impossible de vous retourner contre le vendeur.
Le mieux étant d’acheter en concession agréée par les constructeurs car ils disposent généralement des valises de diagnostique permettant d’accéder aux données kilométriques et au suivi du véhicule.
- Contrôlez le véhicule avant de l’acheter
Ça peut paraître élémentaire, et pourtant, beaucoup de clients s’imaginent qu’il suffit d’acheter à un vendeur professionnel pour se prémunir de tout risque.
Son état général, ses équipements, la carrosserie, son entretien, tout doit être validé pour sécuriser l’acquisition d’un véhicule.
Le risque zéro n’existe pas, alors il faut mettre toutes les chances du côté de l’acheteur afin de s’en rapprocher au maximum.